Un type aux cheveux dégueulasses.
En gros plan.
La face plus ou moins écrasée contre un plancher de bois. Puis il tire de sous son ventre un sabre large dont il se met à lécher la lame. En geignant.
Vu de très haut, un bateau en dérive, mâts brisés, forte gîte. Images nombreuses du bateau autour duquel tourne l'œil en s'approchant peu à peu. On ne distingue aucun signe de vie. Par un sabord on pénètre dans le bateau. On survole ici ou là un puis deux puis trois corps morts abandonnés. Deux sur le pont, un dans la cale à demi envahie par l’eau.
Celui-ci porte un couteau fiché en pleine poitrine.
Sur le pont, l’un a le visage brisé par un coup de pistolet et l’autre une gaffe plongé dans les entrailles.
Retour sur la vue aérienne.
Le bateau. Un sloop.
L'océan vide sinon de cette épave.
Retour sur la langue de Flohic qu'il passe sur son sabre.
Il parle "L'enfer. Jusqu'au bout. Jusqu'au bout…"

Flashback.

Le port du Croisic. Un sloop quitte grand largue le village. Sur le pont, sept hommes sont à la manœuvre. Le bateau file. De la pointe Saint-Jean, un père regarde l'embarcation disparaître à l'horizon.

Flashback.

Le père à Flohic : "C'est une folie !
- Nous ne renoncerons pas !
- Mon fils un voleur ? Un bandit des mers ?!
- Nous ne resterons pas à mourir de faim ici !
- Il y a le marais… ton frère …
- Justement, chacun sa place. Je laisse les œillets à Yann.

[Trois vues sur les œillets et leur travail.]

- Il y a de la place pour deux !
- Tu sais que non. Je pars. Je reviendrai riche et j’épouserai Ninon…"

Le bateau.
Flohic se lève lentement, prenant appui sur la poignée du sabre. Il est vêtu d'une chemise qui fut blanche et d'un caleçon de la même couleur, le tout taché de sang et de crasse.
C'est un petit bateau. Il titube.

Enjambe un cadavre. Revient en arrière, le saisit sous les épaules et le traîne, monte les quatre marches qui le mènent au pont supérieur, le mort heurtant chaque marche.

Il est dehors. Regarde à l’avant, dans l’axe de l’unique canon. La mer nue.
Forte gîte.
Regarde au loin : horizon vide. Il voit l'océan couleur rouille (le sang dans ses yeux ?) Jette le cadavre. Qui reste proche du sloop qui n'avance guère sous un soleil de plomb. Répète la même opération avec les deux autres morts.
Se parle à lui-même.

[vues panoramiques du bateau escorté dans son sur-place par les trois morts]

Flashback.

Le bateau part.
Depuis le bateau on aperçoit le père sur le Mont Saint-Jean mais le fils ne le voit pas, qui ne s'est pas retourné.
"Gouëlic, envoie le foc !
- Bien Captan !
- Magnifique journée ! [on reconnaît le futur premier cadavre]
- Oui Le Meur, c'est notre jour.
- Nous avons confiance en vous Captan. A la course !
- C'est la fortune qui souffle dans nos voiles !! [vues plongeantes d'assez haut avec le bateau toutes voiles gonflées qui s'éloigne vers le large]"

L'image redescend avec une mouette sur le pont du bateau. Chaque marin est vu, comme par la mouette et le destin. Sept personnes.

Flohic fouette l'eau avec une écoute comme pour éloigner les trois cadavres flottants. Se met sur le dos. Rampe et regagne l'étroite cale.

Flashback.

Dans sa maison du Croisic. Flohic boit du vin. Il dessine sur la table, avec le vin, des routes et des côtes. ses doigts miment les appareillages.

"Fils, à quoi joues-tu donc ? Tu bois ?
- Je lis.
- Nul n'a jamais su lire par chez nous ! Et ce n'est pas toi qui commencera !
- Je lis papa, je lis dans le vin comme le curé dans le sang.
- Tu a toujours été fou... Dieu te préserve du mal …
- Le mal est ma mer, je m'y déplace sans bruit.
- Ma doué ! Qu'avons nous fait ta mère et moi pour mériter un tel étranger !
- Je navigue…"

Flohic a laissé son sabre. Il ouvre une huche, saisit une cruche et absorbe une gorgée d'eau.Puis ouvre un pot et prend quelques grains de fleurs de sel qu'il lape lentement.

Gros plan sur ses lèvres. Elles ne touchent pas le sel, juste sa langue. Gros plans partout là. Il attrape une tranche de viande boucanée. Qu'il lèche en marchant. Il ressort de la cale en léchant son bout de viande. Borde enfin les voiles. Un peu de vent se lève. Vue de la coque avec les morts à ras d'eau.
Le sloop s'éloigne peu à peu.
Dans le ciel cohabitent le soleil et la lune.
Flohic lèche sa viande en tournant ses regards vers le ciel alentour. Le sloop se traîne, chargé qu'il est par l'eau qu'il n'a pas écopé et qui le déstabilise. Vue de cette eau à fond de cale.

Flashback [peu après leur départ du Croisic]

« Nous allons quitter la Bretagne et cap au Nord !Nous passons le Finistère et nous irons pêcher nos victimes à la sortie de Rouen.J’y suis allé une fois avec un oncle, le trafic y est intense, on transporte de tout, de Rotterdam à la cité de Londres ou vers les ports boréen où l’on dit que la mer gèle dès Pâques !

- Oui ! Oui ! Oui !
- Et après quelques abordages, nous pourrons affréter un brick. Alors… à nous les îles ! l’or et les négresses ! »

L’équipage pousse des hourras. Vue sur leurs faces. Seul le bosco, à la barre demeure placide. [A noter : la barre se tient avec les épaules dans l’axe du bateau, le corps tourné vers l’amure sous le vent]

Vue sur Flohic. A pris la barre, s’endort doucement.
Les voiles sont défraîchies. Le pont est abîmé ici et là par les boulets, le sang des morts etc.

Flashback.

L’un des pirates : « Captan ! Sur tribord !
-            Un cotre.
-            C’est un Portugais !
-            Non, un Espagnol !
-            Bordez ! Le Bihan, la poudre !
- Il file sud-est Captan !
-            Nous empannons ! Allez ! Bosco !
-            Le Meur, charge les pistolets, les autres, halez vos bouts, il va nous échapper ! Captan, laissez filer, au lof !
-            [un marin à un autre] Il remonte mieux que nous…
-            Bordez encore ! Ils nous a vu !
-            [un marin à un autre] Il remonte mieux que nous j’te dis…
- Lofez encore bosco !
-            Nous perdons, Captan !
-            Virez ! Virez ! Ce maudit cotre est peut-être plus puissant, mais nous serons plus vifs !Aux manœuvres !
-            Envoyez ! »

[vue aérienne : on voit le sillage du cotre et celui du sloop ; le second remonte mal au vent et ne cesse de tirer des bords, le cotre au contraire sert au vent et gagne irrésistiblement.]

De la passerelle du cotre, le capitaine en uniforme : « Pirates ou pas, ils sont loin déjà.

- Je réveille le Commandant ?
- Non, c’est inutile. Regardez, l’horizon les digère. »

[On aperçoit au loin le sloop]

Retour sur le sloop [vue verticale + vue le long de la coque] : « Ils s’échappent… »

Flashback : « Amenez le génois ! » [Flohic enfant joue dans une flaque d’eau devant la maison familiale, la grand-mère arrive par derrière => ] « C’t’un foc mon gars, t’mettras jamais un génois sur c’te coque d’noix… »

« C’est l’génois Captan…
-            Quoi le génois bosco ?
-            L’est trop lâche…
-            Et vous voulez quoi ? Au foc ?!
-            Bah, sûr que non. Mais ce génois…
-            Nous l’avons acheté très cher !
-            Y remonte pas…
-            Bien sûr que si ! Nous avons manqué de chance, c’est tout !
-            Troisième fois… »

Flashback

[une tempête, un homme qui hurle après être tombé à l’eau ; il se noie (trois cases)]

Suivons Flohic dans la cale, le château arrière. En fait un espace assez bas de plafond, un peu sale. Il regarde de ci de là. Allume une bougie. Ouvre le livre de bord mais la gîte est trop importante et il doit renoncer. Des gros plans.En parallèle, dans la cale aux hommes, le plus jeune pleure et vomit dans son hamac. Il sent qu’ils vont vers la mort, que toute l’affaire est foutue. Depuis des jours il n’est que pleurs et prostration.
Au matin le bosco le retrouve, étouffé dans ses vomissures. On le jette à l’eau sans s’attarder.
Ils ne sont plus que cinq.

Flash forward

Le bateau est renversé, de côté. On voit le mât brisé, les voiles déchiquetées, il pleut et c’est la nuit avec une grande lune dans le ciel et des vagues d’un mètre ou deux, pas non plus la tempête quoi.
Flohic divague sur le flanc du sloop. « Oui ! C’est cela ! Libre bientôt, plus aucune ancre, ni même toi, mon bateau. Oui, enfin libre » Et il se laisse glisser au fond de l’océan sombre… [prévoir bien trois ou quatre cases encore pour cette divagations et la noyade]

« Feu ! »

Le coup tombe à bien des mètres du navire marchand, un brigantin de Cork dont l’équipage se jette déjà vers ses armes.

[au moins douze vues sur les irlandais qui chargent leurs armes, bourrent les canons et ripostent.]

Les coups irlandais sont plus longs et encadrent le sloop.

« Continuez, venez sur son arrière ! »

Les pirates manœuvrent mais le brigantin abat et les prends sur son travers, relançant un salve.

Bam !!! L’un des pirates se fait arracher la tête telle quelle par un boulet !

« Au largue ! Grand largue ! Ils vont nous mettre en pièces !
-            Bosco !
-            Captan…
-            Bosco ! »

Flashback.

[Flohic et son bosco ensemble sur les bancs de l’école. Flohic lui glisse un couteau. Ils ont dix ans.]

« Personne ne me prendra vivant. »

Vue sur le marais. Eglise de Batz.

Flashback

Flohic dort. Ils ne sont plus que quatre. L’un d’entre eux profite du sommeil des deux autres pour descendre dans la cale où se tient Flohic.

Il gratte autour de la huche où sont sensées se trouver les trésors, conquis ou emportés, du capitaine. Qui se réveille. Voit l’autre en larmes qui à ouvert la huche et ne trouve rien, un peu de vaisselle. Le tue [sept cases pour le massacre du type ; de très gros plans].

Le Bosco et l’autre marin entendent des cris. Le bosco retient le marin. « N’y va pas. Ce n’sont pas nos…

-            Tu n’as toujours pas compris, Le Meur ?! On va tous y rester !!!
-            Tu ne bouges pas !
-            Laisse-moi passer ! »

Il saisit une gaffe.
Le bosco le menace.
L’autre lui lance un coup de gaffe, côté bois.
Le bosco tombe.

Le marin va descendre vers le carré quand le bosco l’alpague et lui plante une lame en pleine poitrine.L’autre en mourrant lui décharge son pistolet dans l’estomac. Chacun meurt.

Le sloop file.
Flohic est seul à la barre.
Il sourit, l’air hagard.
Il pense à la belle Ninon. Il l’épousera. Ce sera sa première femme, il sera son premier homme. Et ils seront heureux. Et riches.

« On va les avoir. On va les avoir. Nous sommes beaucoup plus légers maintenant sans ses six ancres mortes… »

Vue du Croisic. Un village de pêcheurs.Nous ne sommes pas en centre bourg alors ce sont des masures pauvres, vilaines. Les sabots pataugent dans la boue, il y a un cochon par ci, deux poules par là. [Il faut qu’en ces quelques cases l’on comprenne qu’il meure dans une aventure pitoyable, certes, mais ayant échappé au destin commun, tu vois le genre, de l’anti-Millet en somme. Les paysans ont des gueules de dégénérés et sont vêtus de hardes.]

Le bateau est renversé, de côté. On voit le mât intact, les voiles abandonnées dans l’eau comme des nénuphars [les voiles sont couleur brique, tu sais, comme les pantalon Le Glazik !]. il pleut et c’est la nuit avec une grande lune dans le ciel et la mer est d’huile.

Flohic divague sur le flanc du sloop. « C’était donc cela… ? » Visage apeuré, baigné de larmes. Sans force, il se laisse glisser au fond de l’océan sombre… [en moins de cases que plus haut la première vision de sa fin. L’impression finale doit être pathétique, proche d’un dégoût métaphysique]

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